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Sophie Guivarc’h,
notaire assistant et sculpteur

Un notaire sculpteur ? peut être devrions nous ajouter une rubrique art dans les prochaines éditions de l’Annuaire Officiel du Notariat… Maître Guivarch pour les uns Solego pour les autres a bien voulu nous parler de ses 2 passions…

Mardi 21 janvier 2014

Elle m’accueille dans sa petite maison nichée dans un quartier caché de la capitale. Une sorte de havre dont les touristes, mais aussi les Parisiens eux-mêmes  ne pourraient soupçonner l’existence.

Elle a plutôt un look d’artiste que de notaire, mais un notaire a-t-il vraiment une image bien définie ? Une voix de fumeuse,

Nous nous installons dans la pièce principale, une table, une tasse de café, et une énorme sculpture qui me tend les bras, un ours chamane, de bois et de bronze. J’ai presque envie d’aller me caler dans les replis de son ventre grassouillet. Du haut de l’armoire, la chamane jaguar, une autre sculpture, nous surveille et semble nous écouter. Le chat ronronne en boule sur un fauteuil, celui-là est bien vivant, mais il ne daigne pas ouvrir l’œil à mon arrivée.

Qui êtes vous Madame Guivarch ?

Au départ, je suis notaire  de formation.

C’est un choix qui découle de mon éducation, dans ma famille, on doit avoir une bonne situation, mon frère est médecin, mon père ingénieur. Par opposition ou désir de me démarquer, j’ai fait du droit. Il y avait parmi les amis de mes parents un notaire, je le trouvais très sympathique, il me renvoyait une image très positive du notariat, C’est ainsi que je suis devenue notaire,

En 1984, j’ai débuté ma carrière, comme clerc dans une étude de Neuilly-sur-Seine, actes courants et droit de la famille sont mes sujets quotidiens. Cela m’intéressait, je rédigeais mes premiers actes tout en continuant mes études. Puis 2 ans passés à l’étude Angénieux et de Buren, toujours en droit de la famille, où je continue à apprendre. Puis je suis embauchée à l’étude Desseigne et Libault, Maître Desseigne m’a alors chargée de régler le dossier de succession de [s2] son beau-père qui comprenait de très gros actifs professionnels, et je découvre alors un autre versant du métier, beaucoup plus spécifique , où intervient le droit des sociétés, il me fait ainsi connaître les montages financiers et les rouages fiscaux.

Je commençais à trouver mon travail routinier, cela me réveille.

Je passe alors mon examen de notaire, et diplôme en poche me voici rue des Pyramides chez Airault, Doucet et Lejeune. Je travaille avec Maître Airault, « grande pointure » du métier, embauchée pour le droit de la famille, je me vois propulsée à la tête du service crédit-bail. J’entre dans une autre dimension du métier, plus technique et pointue. Mes correspondants sont des professionnels, chefs d’entreprise, banquiers, promoteurs et non plus des particuliers, c’est une relation très différente. Je travaille beaucoup. Le métier me passionne. Je suis ainsi, je fais « tout à fond ».

chamane-panthèreNotaire  mais aussi sculpteur

En 2000 je décide de faire un break, nous adoptons notre fille qui arrive à 3 mois d’Amérique Latine, m’en occuper est une priorité. Depuis longtemps, j’avais la fibre et l’envie de sculpter. Cela me vient de l’enfance, j’aimais regarder mon père bricoler, respirer l’odeur du bois scié. Profitant de ce break professionnel, je prends alors des cours dans l’atelier de Marie La Varande, et c’est ainsi que je commence à pratiquer mon deuxième métier. 2 ans d’apprentissage quotidien de la taille du bois et de ses techniques et je me lance, je travaille d’arrache-pied, mes pièces voient le jour, je participe à des expositions un peu partout, à Florence, à Paris, Munich Genève..

Les 2 métiers sont-ils compatibles ?

Pour moi, non c’est impossible, au moins pour le processus de création. Il me faut m’y plonger totalement 24 h sur 24 et cela ne laisse aucune place à mon travail à l’étude, je ne parle pas de l’exécution des pièces elles-mêmes que je peux réaliser parallèlement à mon activité de notaire. C’est un peu comme pour le musicien qui ne compose pas, c’est possible de jouer de son instrument après la journée professionnelle, il n’y pas de processus de création qui occupe le cerveau et utilise toute la concentration.

Inversement, lorsque je travaille à l’étude je m’y consacre complètement, il n’y a donc plus de temps pour mon art.

J’avais essayé de concilier mes 2 activités en demandant à mon dernier patron un 4/5 ème de temps, mais cela s’est vite révélé impossible et frustrant pour les 2 aspects de ma vie professionnelle. Je n’avais pas la tête assez libre pour la création, je n’ai pas une démarche d’amateur que ce soit le domaine artistique ou notarial.

La sculpture ne nourrissant pas son homme, je dirais plutôt sa femme, au risque de choquer les puristes de la langue, Sophie, dite Solego dans le milieu de l’art redevient Maître Guivarch, notaire, en 2007.

Les débuts sont difficiles, en 7 ans, on « décroche » vraiment et lorsqu’on revient, une remise à niveau s’impose. Nouvelles lois, nouvelles procédures, nouveaux logiciels, il faut se réadapter.

Je reviens à mes premières amours et réintègre le droit de la famille dans l’équipe de maître Guibert, dans le 8ème. Après le départ de celui-ci, je reste malgré tout à l’étude. C’est cependant difficile de travailler sereinement après une séparation douloureuse des associés qui marque tout le personnel de l’étude.  Et en 2012, c’est à mon tour de quitter l’office notarial.

Et maintenant que faites-vous ?

Est-ce la suite logique de cette vie passée entre le notariat et l’expression artistique ? L’expérience et le temps s’allient pour me mener vers la médiation familiale.

Pour moi c’est un complément indispensable au droit de la famille, notamment dans les affaires de divorce dans lesquelles les notaires ont vu leur domaine d’activité élargi par la réforme de 2005. Une bonne médiation effectuée par une personne ayant reçu une sérieuse formation peut éviter des procédures longues et pénibles, empêchant tout règlement rapide de l’opération de partage.

Nombreux sont les  notaires qui se sont vus passer des heures sur un dossier de partage en matière de divorce ou de succession pour rien, parce que les parties ne pouvaient pas s’entendre.

Que de temps et d’argent perdu !

A mon sens, les diriger vers un médiateur, pour rechercher une possibilité d’accord, permettrait aux notaires de les voir revenir et de ne pas avoir perdu leur temps.

Traditionnellement le notaire est un conciliateur mais il n’est pas médiateur.

J’ai choisi une formation longue de 595 heures, à l’IFOMENE*, institut dépendant de L’Institut Catholique de Paris. Sanctionnée par un diplôme d’état en médiation familiale,

Et parallèlement je suis le premier cycle de l’école Parisienne de Gelstalt, qui peut compléter cette formation de médiation.

La médiation est un sujet abordé par le notariat, ainsi la chambre de Paris propose une formation de 100h depuis 2013 aux notaires désireux de s’initier à ces méthodes afin de pouvoir en expliquer l’intérêt à leurs clients

Mais un notaire en exercice n’a pas le temps de préparer le diplôme d’état,

Pour moi, c’est une autre façon de servir le notariat. Assister les études dans la résolution des conflits, que cela soit pour les actes de droit de la famille, ou pour le management au sein des offices.

En effet, on se rend compte, notamment dans les affaires de divorce, où très souvent il y a beaucoup de souffrance, que cela génère beaucoup d’agressivité, la meilleure défense étant l’attaque. Et le bureau du notaire est bien souvent le théâtre de combats pour des broutilles, comme par exemple, le partage du contenu du congélateur, symbolisant l’énormité de la souffrance de l’un ou l’autre des conjoints. La médiation est un très bon outil pour gérer cette souffrance, elle permet de désamorcer le conflit, de calmer le jeu, d’éviter des procédures inutiles, et donc de gagner du temps, et de l’argent, en permettant une signature des dossiers plus facile et plus rapide.

Pendant cette formation, cela est plus facile de pratiquer la sculpture, je suis en train de  « couver » un projet de pièces plus symbolistes. C’est une démarche qui accompagne et complète ma progression dans l’apprentissage de la médiation.

Qu’aimez-vous dans le notariat ?

Tout d’abord, le contact avec les clients et les collègues, le fait que cela soit un métier pragmatique où les connaissances juridiques, qui pourraient sembler abstraites sont mises en pratique. Mais il laisse aussi une place importante à la créativité pour essayer de trouver LA solution à chaque cas particulier.

Cependant, on ne peut avoir les 2 casquettes et l’on ne peut à la fois être médiateur sur un dossier et rédacteur de l’acte. Le médiateur doit être un tiers, neutre, impartiale et indépendant tenu à une confidentialité absolue.

Que diriez-vous à un jeune notaire ?

Essaie de pratiquer un « notariat  intelligent», ne te contente pas de régler tes dossiers, ne te laisse pas piéger par la routine. Forme toi, sois curieux et créatif, apportes tes trouvailles et le fruit de tes réflexions au notariat. On peut toujours tout apporter à tout. Cela enrichit les entreprises notariales.

Je me souviens d’un notaire dont la femme était clown ; sans doute influencé par elle, il arrivait avec des tenues beaucoup plus originales et décontractées que ce que l’on pourrait attendre d’un notaire classique en costume, son contact en était beaucoup plus facile.

Notre entretien s’achève, le chat dort toujours, je quitte la maison et son occupante, entourée de ses sculptures. Elle va partir suivre ses cours…

Caroline Lambert

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