Ma visite au vignoble
Le miracle local est ici circonscrit à 9 hectares qui ont le bonheur d’être exposés plein sud , un petit morceau de Bourgogne posé en Normandie. Et si l’auxerrois constitue aujourd’hui encore la plus grande partie de sa récolte aux côtés de pinot gris, melon de Bourgogne et autre Müller-Thurgau c’est le pinot noir, le plus prometteur de tous, qui constituera la majorité de sa production à l’horizon 2020.
Maître Samson est bien organisé et propose des visites de son vignoble aux touristes curieux de cette étrangeté qu’est un vignoble en Normandie. Nous sommes donc une petite quarantaine prêts à affronter un soleil que les méditerranéens n’auraient pas renié. On commence par le sol. Sur les flancs du coteau, le calcaire du jurassique affleure et laisse entrevoir la pureté de la roche dans un blanc quasi immaculé. Le regard devine aisément la pertinence du lieu de plantation par ce contraste saisissant entre la plaine limoneuse (impropre à la vigne car trop fertile) et la butte esseulée.
L’orateur est précis et le texte bien rôdé.
Il développe une belle pédagogie et très vite on comprend toute la subtilité de son choix, la notion de terroir qui légitime et pérennise les conditions d’existence d’un vignoble en butte à un milieu peu favorable, l’histoire du lieu, qui nous démontre que nos ancêtres avaient déjà prescience d ’un lieu exceptionnel.
« Du temps des Romains jusque sous la Révolution, cet endroit est mentionné comme planté de vignes, raconte Gérard Samson face à l’ancienne carrière qui borde sa vigne. Autour du Bassin parisien existent des cercles géologiques concentriques. Ici, nous sommes sur le même que celui de la Côte d’Or viticole. La roche correspond à celle de la Côte-de-Nuits et surtout de Beaune. C’est du jurassique, plus précisément du bathonien. Sa particularité, c’est la fissuration qui permet aux racines de pénétrer en profondeur, d’aller chercher de la fraîcheur au cœur de l’été. C’est la gestion de la ressource hydrique pour la vigne qui fait la différence entre les bons et les mauvais terroirs. Prenez Romanée-Conti, ce n’est jamais que 1,83 ha. »
Puis la visite se poursuit en arpentant les vignes, une petite montée au sommet du coteau pour apprécier la vue sur ce triangle qui condense les atouts d’une situation exceptionnelle. A commencer par l’exposition Sud-Sud-Est, à même de capter du matin jusqu’au soir un ensoleillement optimal. La pente du coteau assure le ressuyage du sol, alors que tout le milieu environnant se confond dans la monotonie paysagère de la plaine normande, sans la moindre éminence. S’ajoute une aérologie typique des situations de relief isolé, avec un mini phénomène de Foehn (courant d’air chaud descendant) très favorable sur l’arrière-saison, pour obtenir un surplus de maturité.
En arrière plan s’étendent la vallée de la Dives et les masses sombres des bois d’où émergent ça et là les clochers des belles églises et abbatiales médiévales.
On traverse les rangs, en rêvant de goûter à l’une de ces belles grappes de pinot noir, il fait si chaud et c’est tentant, mais « pas touche » on respecte la consigne du maître des lieux. S’ensuit une jolie leçon de botanique sur les différents cépages et la manière écologique de faire pousser la vigne en symbiose avec les différentes espèces végétales « amies »
Puis on redévale la pente par un autre passage nous permettant de comprendre qu’outre les arpents de production, une nouvelle zone d’un hectare a été plantée pour expérimenter de nouveaux cépages…et sans doute nous réserver de nouvelles surprises.
Enfin, c’est la dégustation…
J’opte pour l’Auxerrois, qui me surprend en développant des arômes minéraux d’abord, puis de fruits et d’épices, un festival de saveurs qui se développe dans le temps…
Bravo Maître Samson, continuez à nous surprendre et à ressusciter le vin dans notre belle Normandie.
Caroline Lambert