Sébastien Huygue, notaire,
député du Nord

Au congrès de Marseille, Monsieur Huygue, le député notaire, ou notaire député, est chez lui, souriant, respirant le bonheur d’un jeune père de famille, ou peut-être aussi de celui qui retrouve ses pairs. il arpente les allées avec son landau en présentant fièrement le très jeune Valentin à ses confrères et à tous ceux qu’il connaît pour les avoir fréquentés du temps où il était notaire assistant dans une étude Lilloise. Nous convenons de nous parler pour évoquer son métier de notaire et sa fonction politique. Il m’importe de savoir si tout cela fait bon ménage. Mais trop de réunions, et de rendez-vous sur place nous obligent à remettre ce projet.

Quelques jours plus tard, nous nous entretenons au téléphone.

Comme Alexandre Fabre, Camille Godelle, Alain Lambert et bien d’autres de vos illustres prédécesseurs vous êtes un notaire et un élu de la république, député de la 5e circonscription du Nord, ancien fief de Martine Aubry que vous avez battue en 2002.
Pourquoi notaire ?
Le métier m’attirait et j’ai fait mes études de droit, et obtenu mon diplôme de notaire en passant par le CFPN. J’ai d’ailleurs complété ce cursus par 2 masters de droit de l’urbanisme et de gestion, compléments qui me semblaient utiles pour l’exercice de mon métier.

Pourquoi homme politique ?
J’ai commencé très jeune, à 16 ans, je militais pour le parti Républicain, devenu ensuite Démocratie Libérale, mouvement qui s’est ensuite allié à l’UMP. Naturellement j’en suis arrivé à briguer une mandature, présenté par mon parti. J’ai été élu tout de suite, en 2002, face à Martine Aubry, ce qui a fait alors couler beaucoup d’encre.

Au téléphone, je l’entends presque sourire..
Cela semble un bon souvenir pour lui, Il avait été félicité non seulement par son équipe, mais par certains du PS, Arnaud Montebourg entre autres, qui n’appréciaient que très modérément la maire de Lille.

Avez vous exercé votre profession ?
Oui, mais très peu, j’étais notaire assistant au sein d’une étude de Lille, au moment où mon parti m’a sollicité pour me présenter.

Avant le vote, je suis allé voir mon employeur, l’étude était celle de la mairie de Lille et de la communauté urbaine, une étude importante.. Le notaire avec qui je travaillais, m’avait d’ailleurs prédit à l’époque que j’allais me retrouver « en caleçon ». Mon départ n’avait donc même pas été envisagé, comment à 29 ans, pouvait-on imaginer déboulonner Martine Aubry ??… Une semaine après le second tour, je faisais mes cartons et mettais mes dossiers au carré pour les transmettre aux autres collaborateurs.

Depuis je n’ai jamais plus travaillé en tant que notaire. Cela fait presque 15 ans.

Pensez-vous que vous auriez pu combiner métier et fonction politique?
Non, c’est totalement impossible. La fonction de député exclut toute pratique professionnelle en tant que salarié, si je veux être à Paris pour les séances de la chambre, être présent dans ma circonscription pour « prendre son pouls » et rencontrer mes concitoyens, il est inenvisageable de pouvoir assurer en plus des journées de travail normales.

D’ailleurs, notre convention collective prévoit que le contrat de travail est suspendu pour la durée du mandat.
Pourquoi pas si j’avais été associé…Il semble, que dans ce cas de figure, on puisse plus facilement s’organiser.

Que vous apporte le fait d’être notaire dans votre mandat ?
J’ai une expertise dans le domaine du droit de la famille, et, en tant que rapporteur de la réforme sur les successions et libéralités en 2006, j’ai pu proposer 250 amendements dont 240 ont été adoptés.

Je ne sais pas si c’est un atout aux yeux de mes électeurs, mais ce que je sais c’est que lorsqu’ils le savent, mes concitoyens prennent rendez-vous à la permanence pour un conseil juridique, pour des questions familiales, immobilières ou autres…oui on peut considérer que mon métier s’invite dans ma fonction. Etre notaire, c’est le gage que l’on connaît le droit, c’est rassurant pour un électeur au moment du choix.

Il est primordial à mes yeux d’avoir un vrai métier lorsque l’on fait de la politique. Ainsi ma capacité à survivre ne dépend pas de mon sort électoral. Cela me donne aussi un regard sur la réalité des choses, un élu local ou national qui fait profession de la politique ne porte pas forcément bien l’avis de ses électeurs.

Avez-vous un lien particulier avec le CSN au titre de votre engagement politique ?
Il faudrait le lui demander…

Non, un mandat impératif est nul. Et, en tant que député, je n’ai pas à porter la parole du Notariat. Je suis un notaire qui est devenu député. Je connais bien la profession, mais ce n’est pas le principe de mon mandat. Je représente la nation et non une partie de celle-ci.

Cependant, je suis convaincu de l’utilité du notariat dans la protection du citoyen.

Pensez-vous que la République aime ses notaires ?
Oui, elle les aime, elle en a d’ailleurs besoin. Mais le problème est que beaucoup de ses représentants ne savent pas ce que fait exactement le notaire et ont une image négative. L’image d’Epinal. Celle du notaire de Balzac. Un des grands enjeux du notariat est de se faire bien connaître .

Et ce gouvernement ?
Le Président du CSN, Monsieur Tarrade l’a très finement expliqué au cours de son discours d’ouverture du congrès. Il y a parfois dissonance dans les appréciations de la profession par les différents acteurs du gouvernement. Ainsi la Chancellerie répète qu’elle aime les notaires, pendant que Bercy n’a pas vraiment le même sentiment, et le prouve en saisissant l’autorité de la concurrence à leur propos et que le ministère du logement semble refuser de comprendre le fonctionnement des notaires en leur imposant les complications sans fin de la loi ALUR.

On ressent ainsi une opinion contradictoire au sein d’un même gouvernement, la raison en est qu’il manque le chef d’orchestre qui imposerait une vision concertée.

Aimeriez vous réformer votre profession au regard de votre expérience d’élu ?
Je crois que le notariat doit être en perpétuelle évolution pour s‘adapter et suivre l’évolution de la Société. Le CSN s’y emploie. Au moins par nécessité de réformer l’image du notaire, bien souvent négative aux yeux de leurs concitoyens. L’évolution technologique très avancée en est la preuve, l’acte dématérialisé est une véritable révolution. C’est en effet un changement fondamental pour les mentalités que de conférer l‘authenticité à un acte électronique.

Aujourd’hui aimeriez-vous reprendre une étude?
Oui bien sûr, c’est d’ailleurs ce que j’envisage, j’ai déjà commencé à y réfléchir. Je ne me vois pas député à vie. Je sais exactement quand je m’arrêterai, je ne veux pas faire « le mandat de trop ».

Après autant de temps ne perd-on pas la main ?
Oui certainement, il faut se remettre à niveau, j’ai déjà été amené à le faire, cela ne paraît pas du tout insurmontable…

Que pourriez-vous dire à de jeunes juristes, apprentis notaires 
C’est une belle profession, il faut la prendre à bras-le-corps, et la défendre en expliquant toujours ce que l’on fait, et pourquoi on le fait, mettre en avant l’intérêt public la sécurité juridique de ses concitoyens.

Je leur dirai aussi que parallèlement à leur métier, il est bon de s’engager. Que ce soit pour une cause humanitaire spirituelle ou politique…

Il me parait important qu’il y ait des représentants du notariat qui soient élus à tous les niveaux.. Il y a beaucoup d’avocats, il faut rééquilibrer et apporter l’expertise des notaires dans la vie politique.

J’avais encore plein de questions à lui poser, mais le temps d’un député est précieux et rare.
Merci Monsieur Huygue, continuez à oeuvrer dans la chose publique pour le bien de tous..

http://sebastienhuyghe.blogs.com

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