A propos de la discipline,
de la confraternité
et du bon accueil

Interview Maître Jean Dugor (à la retraite depuis 2 mois)
Président du conseil régional des notaires de Bretagne de 2011 à 2013

Il fait un temps merveilleux à La Trinité, nous sommes installés à la terrasse du Zinc, ce fameux café que tous les marins du coin connaissent.  Bien que Maître Dugor soit lui aussi fin voileux, le sujet qui nous occupe aujourd’hui est plus délicat encore qu’un passage de bouée à la régate des notaires. Maître Dugor pose sur tout un chacun un regard vif et empreint d’une bienveillance jamais démentie. On comprend vite pourquoi son métier, puis ses fonctions l’ont passionné. C’est son credo, me dit-il, faire progresser le notariat sur un grand nombre de sujets.

© JC Marmara

Mon sujet est sensible : que font les instances quand un notaire commet des malversations ? Y-a-t-il une pédagogie organisée, les problèmes de discipline augmentent-ils.  Existe-t-il entre les instances une bonne communication verticale et horizontale sur ces sujets?

Il faut bien comprendre que les instances ont un rôle limité dans le cas de malversations de la part d’un notaire. La chambre régionale de discipline ne peut intervenir qu’avec des faits avérés, soit par le dépôt de plainte, soit par la chambre ou la saisine du parquet.

Mais finalement, cela est assez bien organisé et les problèmes de discipline sont pour l’heure plutôt bien gérés.

Il faut reconnaître, fort de mes 40 ans d’expérience, qu’avant la création des chambres régionales en 2006, la discipline était appliquée au sein des chambres départementales, c’était souvent des arrangements « entre amis ». Les chambres de discipline régionales, permettent aux instances de prendre de la distance et cela a été salvateur. Quand un notaire est convoqué et se retrouve devant les 5 présidents de chambre, et celui du conseil régional, c’est beaucoup plus impressionnant, là, il n’y a plus de copains, c’est du sérieux !!!

La malversation n’est pas un sujet qui préoccupe les instances outre mesure. Les cas sont rares mais à l’occasion des quelques cas récents, les retombées médiatiques pour a profession, ont été désastreuses. Il est évident qu’il ne faut pas hésiter à convoquer la chambre régionale de discipline à bon escient. Les sanctions disciplinaires prononcées en chambre de discipline ne sont pas publiques, sauf le rappel à l’ordre devant l’assemblée générale de la compagnie du confrère condamné. Les sanctions les plus graves relèvent du pouvoir judiciaire

Dans le règlement, il y a la notion de soutien du confrère, quel que soit le problème.
Toutes les chambres devraient et devront assumer leur rôle de soutien sans jugement et avec équité. En effet, l’afflux d’un grand nombre de jeunes notaires va sans doute compliquer la capacité à leur octroyer ce soutien. Cela sera d’autant plus dommageable qu’ils risquent de ne pas avoir la vie facile au début de leur installation.

Il faudra donc mettre en place les moyens de véritablement les accueillir, les soutenir, les intégrer, tout en leur rappelant les exigences de notre règlement commun.

J’espère que cela sera vraiment le cas, car lors de mes mandats, j’ai dû proposer 2 plans de restructuration du notariat local, j’ai été vraiment étonné de constater les résistances de mes confrères.  Tous les responsables de la profession n’ont cessé d’attirer l’attention sur la nécessité de conduire nous même l’ouverture de la profession sous peine de perdre la main… ce qui a fini par arriver.

Le grand sujet d’aujourd’hui, avec l’arrivée d’un grand nombre de jeunes notaires créateurs est de se demander si la déontologie va continuer à être cadrée ou si les instances vont être dépassées.

Beaucoup de notaires vont arriver, ils auront besoin de gagner leur vie, cela ne sera pas facile au début, les tentations pourront être grandes de s’affranchir des obligations qui s’imposent à tout notaire… Les instances auront-elles le temps et les moyens pour les cadrer et les encadrer.

A Rennes, avec le soutien des présidents de cours, le Conseil Régional organise une journée annuelle destinée aux jeunes notaires de la Cour ayant prêté serment dans les deux ans. Celle-ci débute solennellement au sein de la Grand-Chambre de la Cour d’Appel de Rennes par un discours de chacun des présidents rappelant l’appartenance de la profession notariale au monde judiciaire. Cette séance solennelle est suivie de la présentation de l’organigramme régional, des différents services et des différents délégués régionaux.

C’est aussi une journée de formation, le rôle du notaire au sein de la société est rappelé.

Cela permet de remettre les pendules à l’heure, du plus petit sujet au plus grave.

Cette journée est organisée pour donner une solennité que n’a malheureusement pas la prestation de serment

Une petite anecdote pour l’illustrer. Lors de la première de ces journées, j’ai accueilli « mes jeunes confrères», une partie est arrivée sans cravate, en tenue décontractée. Je leur ai fait remarquer qu’en face des hauts magistrats qui les accueillaient, eux ne seraient pas dans une telle tenue, il y a des codes qui existent encore. Mais il a fallu les rappeler !!! Pour les Confrères hommes, ils ont pu bénéficier d’un vieux stock de cravates (très moches) retrouvés dans un carton au conseil régional.

Je crois que cela les a marqués, certains me le rappellent parfois avec humour.

L’afflux des jeunes notaires devra absolument être géré, les instances ont un devoir d’accueil bienveillant tout en rappelant qu’il y a un cadre.

Qu’on le veuille ou non, on est aussi notaire en-dehors de son bureau. J’en veux pour exemple ce jour où le parquet saisit la chambre de discipline pour une affaire à propos d’un confrère sanctionné pénalement, en demandant de le sanctionner au niveau disciplinaire. La raison en était que le parquet considérait que cela n’était pas un comportement de notaire que de se défiler lors d’un contrôle de police. Le notaire compte tenu de sa fonction d’officier Public Ministériel, délégataire de la puissance de l’Etat doit avoir un comportement exemplaire

Certains de vos confrères se plaignent de la disparition de notion de confraternité, si chère à leurs yeux.

Aujourd’hui les instances sont sensibilisées et notamment au rôle fondamental qu’ils devront exercer dans les mois et années à venir notamment dans le soutien et l’accompagnement des « notaires créateurs » ou « notaires Macron » et la pédagogie qu’elles devront développer vis à vis des notaires en place afin d’éviter toute stigmatisation qui serait catastrophique pour l’unité nécessaire de cette  profession.

J’ai exercé, par bonheur, ma profession dans un environnement notarial confraternel et je peux témoigner que la confraternité, si les instances ont un rôle a jouer pour la favoriser, existe et se développe essentiellement par le comportement de chacun d’entre nous.

J’ai été plus de 20 ans dans les instances, il semblerait qu’il y ait aussi un vent de renouveau qui souffle sur celles-ci. Ainsi aujourd’hui encore, il y a beaucoup de cooptation, tout le monde sait qui sera le prochain président, premier syndic, vice-président, etc.  Mais il y a aussi beaucoup de non dits. Cependant, ceux qui sont élus ne sont pas n’importe qui et l’extrême bienfait de cette méthode est que l’on ne peut être réélu. On a donc 2 ans au maximum pour faire ce que l’on a décidé de mettre en place, il faut aller vite.

Il semblerait que la cooptation ne soit plus de mise, les jeunes confrères aimeraient une vraie démocratie et des élections basées sur des programmes. Encore faudra t il trouver des hommes et des femmes prêts à s’investir.

Le notariat est en train de se modifier profondément, soyons capables de le comprendre et d’avoir un vrai rôle d’accueil pour tous les jeunes qui vont arriver qui devront participer à l’évolution de cette belle profession aux exigences de demain…

Propos recueillis par Caroline Lambert

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