L’Ordonnance de Villers-Cotterêts…
« En français s’il vous plaît ! »

Ordonnance de Villers-Cotterêts
Signée entre le 10 et 15 août 1539, cette ordonnance obligea tous actes juridiques du royaume « francoys » à être écrits en français.

La relation entre le parler, l’écrit et la langue d’usage dans un territoire donné est au cœur de la pratique notariale et plus largement, de toute notion d’administration. Avec plus de 75 langues dites régionales ou minoritaires aujourd’hui, le territoire français est, dès sa genèse, un carrefour de cultures et donc forcément de langues. En plus du latin comme langue officielle des actes, que ce soit l’occitan, le corse, l’alsacien, le basque ou encore le breton, c’est sous une identité de « terroir linguistique » que l’exercice du notariat s’est développé jusqu’au XVIe siècle. Le notaire utilisait alors souvent sa langue régionale – ou son patois local – pour rédiger actes et minutes désignant les réalités de son territoire. Le français – qui à la base était un patois parisien et connu également comme la langue d’oïl, est alors jugé la langue de la Cour et des élites et n’était pas ou peu utilisé, sauf pour les notaires royaux qui réussirent, petit à petit, à l’imposer comme la langue administrative dans les chartes et autres actes royaux.

Ordonnance de Villers-CotterêtsDans ce contexte de besoin de centralisation linguistique, Guillaume Poyet (1473-1548), chancelier de France de 1538 à 1542 sous François 1er, devint le grand instigateur de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts, aussi connu comme l’ordonnance Guilelmine, en référence à son mentor.

L’ordonnance, édictée en août 1539 et au titre exact d’« Ordonnan du Roy sur le fait de justice », est le plus ancien texte législatif de France car deux de ses articles, les 110 et 111 – concernant l’usage de la langue française dans les actes officiels – sont toujours en vigueur aujourd’hui.

L’article 110 fait référence au besoin d’intelligibilité des actes : « que les arrêts soient clairs et compréhensibles », et également à la volonté d’uniformiser leur lecture pour une meilleure compréhension : « nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement qu’il ne puisse y avoir aucune ambiguïté ou incertitude, ni de raison d’en demander une explication. »

De son côté, l’article 111 impose la langue française comme unique langue : « Et parce que de telles choses sont arrivées très souvent, à propos de la [mauvaise] compréhension des mots latins utilisés dans lesdits arrêts, nous voulons que dorénavant tous les arrêts ainsi que toutes autres procédures, que ce soit de nos cours souveraines ou autres subalternes et inférieures, ou que ce soit sur les registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et tous les autres actes et exploits de justice qui en dépendent, soient prononcés, publiés et notifiés aux parties en langue maternelle française, et pas autrement. »

Ordonnance de Villers-Cotterêts

De cet article découle justement le centralisme historique du pouvoir royal et l’influence linguistique du bassin parisien et des bords de la Loire; l’administration royale oblige désormais, pour comprendre les documents administratifs et judiciaires, d’utiliser le français. L’ordonnance de Villers-Cotterêts est d’autant plus importante dans l’histoire de France qu’elle instaure le positionnement culturel et politique de la langue française sur le territoire, car à cette même époque, à la différence de la plupart des autres nations européennes comme l’Angleterre ou l’Espagne, la France est en construction politique mais sans unité linguistique à l’origine.

L’ordonnance de Villers-Cotterêts porte le nom d’un des châteaux favoris du roi François 1er, et pour la petite anecdote, le nom de « Villers-Cotterêts » est une déformation de la « villa à côté de Retz », du fait de sa proximité avec la forêt de Retz, dans l’Aisne. Cette ordonnance sera également la base de ce que deviendra par la suite l’état civil français, en exigeant de toutes les paroisses du territoire de procéder à l’enregistrement des baptêmes, donc des naissances. Ce dont les généalogistes doivent, aujourd’hui, mesurer l’importance.

Par Diego Olivares

Module iPhone
ARTICLES
Actualités
Portraits
Tribune Libre
Événements sportifs
Classique Notaires
JurisCup
Mouvements
Mouvements de notaires
LIENS